VICTOR HUGO (1802-1885)

 
LE MARIAGE DE ROLAND

Ils se battent — combat terrible! — corps à corps.
Voilà déjà longtemps que leurs chevaux sont morts ;
Ils sont là seuls tous deux dans une île du Rhône.
Le fleuve à grand bruit roule un flot rapide et jaune (…).
Quatre jours sont passés, et l'île et le rivage
Tremblent sous ce fracas monstrueux et sauvage. (…)
O chocs affreux ! terreur ! tumulte étincelant!
Mais enfin Olivier saisit au corps Roland,
Qui de son propre sang en combattant s'abreuve,
Et jette d'un revers Durandal dans le fleuve. (…)
Ils luttent maintenant, sourds, effarés, béants,
A grands coups de troncs d'arbre, ainsi que des géants.
Pour la cinquième fois, voici que la nuit tombe.
Tout à coup Olivier, aigle aux yeux de colombe,
S'arrête et dit : « Roland, nous n'en finirons point.
Tant qu'il nous restera quelque tronçon au poing,
Nous lutterons ainsi que lions et panthères.
Ne vaudrait-il pas mieux que nous devinssions frères ?
Ecoute, j'ai ma soeur, la belle Aude au bras blanc,
Epouse-la.— Pardieu ! je veux bien, dit Roland.
Et maintenant buvons, car l'affaire était chaude. »
C'est ainsi que Roland épousa la belle Aude.

Victor HUGO (1802-1885)
La légende des siècles

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